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Lorsqu’il rencontre un accident matériel de la circulation, qu’il en soit responsable ou non, l’automobiliste se tourne presque systématiquement vers son assureur pour lui déclarer le sinistre et se faire indemniser.

Ce réflexe quasi pavlovien a été instillé par les assureurs depuis les années 70 avec la mise en place de conventions d’indemnisation directe des assurés, et plus particulièrement de la convention IRSA (Convention d’Indemnisation directe de l’assuré et de Recours entre Sociétés d’Assurance automobile).

Cette convention prévoit que « quels que soient la typologie de l’accident de la circulation, la nature et le montant des dommages, les sociétés adhérentes s’obligent, préalablement à l’exercice de leurs recours, à indemniser elles-mêmes leurs assurés, dans la mesure de leur droit à réparation déterminé selon les règles du droit commun ».

Après une évaluation des dommages réalisée par un expert, l’assureur établit lui-même la responsabilité de son assuré et l’indemnise directement des dommages subis avant d’exercer son recours contre l’assureur adverse dans un cadre conventionnel.

L’assuré n’a donc à s’occuper de presque rien, son assureur se chargeant de tout… et surtout de veiller à ses propres intérêts.

En effet, alors qu’il a été conçu pour accélérer et simplifier les démarches de l’automobiliste, en association avec l’agrément de réparateurs qui permet d’éviter à l’assuré d’avancer le montant des travaux de réparation, ce système a progressivement été perverti par une logique d’économie dictée par les assureurs, conduisant les experts qu’ils missionnent à limiter au maximum le coût des sinistres et donc celui des réparations, et à mettre une pression énorme sur les réparateurs qu’ils ont agréés.

D’autre part, la détermination conventionnelle des responsabilités se fait parfois au détriment de l’assuré, notamment par l’application hâtive d’un partage à 50/50 lorsque les circonstances de l’accident ne sont pas précisément déterminées.

L’assuré, qui devait en sortir gagnant, se trouve finalement souvent lésé par ce système conventionnel qui lui échappe totalement.

Pour le contourner, l’automobiliste victime d’un accident matériel de la circulation dispose d’un recours directement contre le tiers responsable et l’assureur de celui-ci, en droit commun, en application des articles 1382 du Code civil et L 124-3 du Code des assurances.

Ce recours direct n’est ouvert que dans l’hypothèse d’un sinistre non responsable avec un tiers identifié et assuré, et ne s’applique pas en cas de dommages corporels, même légers.

En pratique, l’absence de responsabilité se déduira du constat amiable établi au moment de l’accident, et il importe donc de remplir ce document scrupuleusement, en évitant toutes imprécisions quant aux circonstances du sinistre.

Une fois le constat amiable établi, l’automobiliste qui souhaitera exercer un recours direct se gardera de l’envoyer à son assureur pour lui déclarer le sinistre.

Il importe de préciser à cet égard que l’article L 113-2 du Code des assurances n’impose pas de déclarer à son assureur un sinistre faisant appel à la garantie d’un assureur tiers.

En s’abstenant de déclarer le sinistre à son assureur, la victime évitera de se voir comptabiliser un sinistre.

Et il s’agit là d’un avantage majeur du recours direct par rapport au système conventionnel : la victime non responsable n’est pas inscrite sur le fichier sinistre de son assureur, ce qui lui permet de limiter les risques de résiliation de son contrat d’assurance.

En effet, l’inscription d’un sinistre, même non responsable, peut entraîner l’application de surprimes, voire la résiliation du contrat, fréquemment prononcée par les assureurs après plusieurs sinistres successifs, même de faible importance.

L’exercice d’un recours direct suppose que la victime s’adresse à un réparateur qui accepte cette procédure, et à un expert indépendant partenaire de la carrosserie.

Concernant le choix du réparateur, il est utile de rappeler que même lorsque le sinistre est géré par l’assureur dans le cadre de la convention IRSA, l’assuré dispose de la liberté de choisir son réparateur, conformément aux dispositions de l’article L 211-5-1 du Code des assurances introduites par la loi du 17 mars 2014 dite « loi Hamon ».

La mise en œuvre du recours direct implique que la victime signe un mandat d’expertise et un ordre de réparation.

A partir de là, et sans que la victime n’ait à engager de frais, l’expert et le réparateur se chargeront de toutes les démarches, et en particulier d’organiser l’expertise du véhicule accidenté.

Si, dans un premier temps, les recours ont été basés sur de simples expertises unilatérales, il est aujourd’hui devenu indispensable de recourir à une expertise amiable contradictoire impliquant la convocation du responsable et de son assureur.

L’expertise permettra de définir une méthodologie de remise en état complète, sans subir les contraintes de coût imposées par les compagnies d’assurance.

Une fois le rapport d’expertise établi, il est notifié à l’assureur du responsable par l’expert avec une demande d’indemnisation sous forme de mise en demeure.

Et c’est au niveau de cette indemnisation que se situe l’autre avantage du recours direct par rapport au système conventionnel pour la victime : l’article 1382 du Code civil posant le principe de la réparation intégrale, le recours permettra l’indemnisation de l’intégralité des préjudices subis pour leur montant réel, sans l’application de vétusté ou d’une quelconque franchise, alors que la convention IRSA exclut de nombreux postes de préjudices.

La victime pourra ainsi obtenir la remise en état de son véhicule alors même que le coût des travaux serait supérieur à sa valeur vénale, ce qui n’est pas le cas dans le système conventionnel où les assureurs et leurs experts ont recours à la notion de véhicule économiquement irréparable, souvent d’ailleurs de manière totalement abusive.

Le recours direct permet également d’obtenir une indemnisation de la dépréciation du véhicule : lorsque le véhicule a subi des réparations importantes, sa revente ultérieure sera nécessairement moins rémunératrice, surtout pour un véhicule récent, et la différence peut donc être réclamée au responsable.

Enfin, la victime pourra obtenir le remboursement de frais de véhicule de remplacement durant toute la durée de la réparation, alors que le système conventionnel limite le plus souvent cette durée à quelques jours de sorte que si une commande de pièces prend plus longtemps que prévu, l’assuré n’est plus indemnisé au titre de l’immobilisation de son véhicule.

De manière générale, un délai de trois à huit semaines est suffisant pour obtenir un règlement de la part de l’assureur du responsable.

Cependant, la résistance des compagnies d’assurance s’est organisée, et elles refusent de plus en plus souvent d’indemniser la victime dans un cadre amiable.

Il faut dire que le recours direct est devenu un véritable cauchemar pour les assureurs, puisqu’il permet de s’affranchir des pressions qu’ils exercent sur les experts et les réparateurs pour minimiser les coûts, et d’obtenir une indemnisation intégrale largement supérieure à celle qui aurait été versée dans le cadre conventionnel.

Lorsqu’il n’aboutit pas amiablement, le recours doit être exercé par la voie judiciaire, ce qui allonge considérablement le processus d’indemnisation.

Toutefois, ce délai est sans conséquence pour la victime puisqu’elle ne devra régler le réparateur et l’expert qu’à l’issue du recours, alors que son véhicule aura été réparé à l’issue de l’expertise.

Bien encadré, ce recours issu du droit commun aboutit presque systématiquement à une condamnation du responsable et de son assureur.

Et même si les décisions rendues en première instance sont assez sévères à leur égard, on constate que les compagnies d’assurance se gardent bien d’en interjeter appel afin d’éviter de créer une jurisprudence qui leur serait trop défavorable et bien embarrassante.