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Avec la croissance exponentielle du parc automobile français, les litiges survenant à l’occasion de la vente de véhicules, neufs ou d’occasion, sont désormais susceptibles de concerner chacun d’entre nous.

En effet, qui n’a pas un jour failli perdre pied et patience en achetant un véhicule, neuf ou d’occasion, qui s’est avéré peu à peu impropre à son usage ?

Ou bien, au contraire, qui n’a pas un ami ou un proche qui, ayant cédé son véhicule, a vu aussitôt jaillir à l’initiative de l’acheteur une kyrielle de griefs mettant subitement en péril la vente vécue jusque là de manière idyllique ?

En application de l’article 1641 du Code Civil, le vendeur d’un bien est tenu de garantir l’acheteur contre les défauts cachés de ce bien qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquis, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix s’il les avait connus.

La vente automobile n’échappe pas à la règle.

Mais si le principe posé paraît simple à comprendre, il n’en reste pas moins que la notion de vice caché constitue un terreau toujours fertile pour le contentieux de la vente automobile.

C’est donc à la lumière de la jurisprudence récente rendue en la matière que la présente contribution a vocation à présenter les conditions de mise en œuvre du recours en garantie des vices cachés affectant les automobiles.

Pour que la défaillance d’une automobile puisse légitimer une action en garantie en vue de la résolution de la vente ou de la réduction du prix, il convient de démontrer la réunion de plusieurs conditions soumises à l’appréciation souveraine des Tribunaux :

  • En premier lieu, le vice doit être antérieur à la vente :

En pratique, cette exigence jurisprudentielle sera le plus souvent satisfaite par une expertise technique confiée à un expert en automobiles.

Celui-ci devra déterminer si le vice était présent au jour de la vente, preuve qui sera d’autant plus difficile à rapporter que le vice est découvert tardivement par l’acheteur.

Aussi, pour pallier les incertitudes qui pourraient demeurer même après une expertise, les Tribunaux sont parfois amenés à faire jouer une présomption qui tient compte de l’importance de l’utilisation du véhicule et du laps de temps écoulé entre la vente et le jour où le vice s’est révélé à l’acheteur.

Ainsi, ont été reconnues comme constitutives de vices cachés des pannes du système de freinage survenues au cours des 700 premiers kilomètres parcourus par l’acheteur d’un véhicule d’occasion.

En revanche, plus le kilométrage parcouru aura été important depuis la vente, moins le Juge sera enclin à considérer que le vice existait au moment de celle-ci.

  • Le vice doit être suffisamment grave :

Par définition, l’usage premier d’un véhicule est de pouvoir circuler.

Toutefois, le vice caché donnant lieu à garantie n’est pas seulement celui qui le rend inapte à la circulation.

Il peut s’agir d’un vice diminuant significativement l’utilisation à laquelle vendeur et acheteur ont fait référence lorsqu’ils ont conclu la vente.

A cet égard, il est évident que l’appréciation du degré de gravité ne sera pas la même selon qu’il s’agit d’un véhicule neuf ou d’occasion.

La jurisprudence a d’ailleurs rappelé que la prévisibilité de certains défauts, même assez graves, est l’une des caractéristiques essentielles des véhicules d’occasion.

C’est ainsi, par exemple, que n’a pas donné lieu à garantie l’usure d’un arbre à came sur un véhicule ayant parcouru 120000 km.

Néanmoins, cela n’exclut pas, bien au contraire, toute garantie due par le vendeur d’un véhicule d’occasion, à condition bien entendu que le vice constaté ne procède pas de la seule usure liée à la vétusté.

Ont ainsi été qualifiés de vices cachés : la corrosion irréparable de la coque sur un véhicule âgé de 14 ans, une pompe à injection défectueuse sur un véhicule ayant parcouru 161276 km…

  • Le vice doit être occulte, l’acheteur n’en ayant pas été informé ou ne l’ayant pas découvert :

Le vice caché n’est pas nécessairement celui qui résulte d’une dissimilation volontaire par le vendeur.

En pratique, il s’apprécie le plus souvent par opposition à la notion de vice apparent, ce dernier excluant toute garantie du vendeur.

Le vice apparent est non seulement le défaut visible, mais aussi celui qu’un acheteur de diligence moyenne aurait découvert par un examen élémentaire du véhicule, à la portée de tout automobiliste.

La jurisprudence a ainsi considéré comme des vices apparents : des pneus usés, des feux ne fonctionnant pas, un moteur émettant des fumées importantes…

Enfin, il faut noter que la jurisprudence fait preuve d’une sévérité particulière à l’égard des acheteurs professionnels qui disposent de compétences leur permettant d’apprécier l’état du véhicule : ils sont présumés en connaître chacun des défauts.

Et les Tribunaux ont une conception large de la qualité de professionnel, qui a été reconnue à un transporteur routier ou à un représentant de commerce dans le secteur de l’automobile.

D’autre part, la garantie est due par les tous les vendeurs, simples particuliers ou professionnels, ce qui lui confère une intensité variable en fonction des acteurs à la vente.

Comme on vient de le voir, la qualité de professionnel entraîne, pour l’acheteur, une présomption de connaissance des vices affectant le véhicule.

Il en va de même du vendeur professionnel, qui est tenu de connaître les défauts de l’automobile qu’il vend.

Les conséquences de cette qualification sont importantes.

En effet, le vendeur professionnel est présumé de mauvaise foi, ce qui le conduit à devoir payer des dommages-intérêts à l’acheteur en cas de résolution de la vente, afin de réparer, notamment, le préjudice d’immobilisation subi.

Et là encore, la jurisprudence a une conception extensive du vendeur professionnel, puisqu’ont pu lui être assimilés un simple mécanicien amateur ou un chauffeur routier…

Enfin, il importe de souligner qu’au-delà d’une simple notion juridique, le vice caché est surtout une action.

En application de l’article 1648 du Code Civil, l’action résultant des vices rédhibitoires doit être engagée dans le délai de deux ans suivant la découverte du vice.

Il faut donc agir vite et bien.

Si une conciliation peut être tentée dans le cadre de l’expertise amiable diligentée par les assureurs, elle peut s’avérer dangereuse en raison du temps qui passe.

Aussi, pour éviter la déchéance du droit à garantie, il est souvent préférable d’engager une procédure de référé afin d’obtenir la désignation d’un expert judiciaire.

Sur la base de son rapport d’expertise, l’acheteur devra saisir le Tribunal, au fond, d’une action rédhibitoire ou d’une action estimatoire dirigée contre le vendeur, mais également contre toute personne ayant fait partie de la chaîne de reventes entre le constructeur et l’acheteur.

Dans le cadre de l’action rédhibitoire, la résolution du contrat vise à replacer les parties dans la situation antérieure : le vendeur doit restituer le prix de vente et les frais occasionnés par la vente, tandis que l’acheteur restituera le véhicule.

L’action estimatoire, quant à elle, permet de conserver le véhicule affecté du vice en contrepartie de la restitution d’une partie du prix de vente.

Le choix entre ces deux actions sera naturellement guidé par les attentes de l’acheteur, mais surtout par l’ordre économique qui doit gouverner toute situation contractuelle, et qui conduit à limiter l’action rédhibitoire aux vices les plus difficilement réparables.